On dit souvent que la peur est le début de la sagesse. En d’autres circonstances, elle est aussi source d’ignorance, de repli et parfois d’intolérance. Comme tout bouleversement, comme tout événement d’importance, la pandémie de la COVID-19 aura fragilisé nos certitudes. Désormais, les humains ont pris conscience du risque, conscience des limites de leur propre existence.

Si notre système de santé connaissait auparavant quelques lacunes, il demeurait fonctionnel. Or, la dernière année nous aura prouvé qu’il ne tenait maintenant plus qu’à un fil, un fil difficilement tendu par des humains à bout de souffle qui, même dans la tempête, ont fait preuve d’une force et d’un courage remarquable.

Président d’Imagem, entreprise spécialisée dans le développement de technologies dédiées au domaine de la santé, Jacques Gagnon ne cache pas son inquiétude. Comment le réseau de la santé réussira-t-il à tenir bon dans une ère post-covid ?

« Personne n’a jamais envisagé qu’un jour ce serait dangereux de travailler à l’hôpital. Les concierges, les infirmières, les médecins, les réceptionnistes, les techniciens de laboratoire, les inhalothérapeutes, tous ont été exposés à ce virus difficile à dompter qu’est la COVID-19. Ils le sont encore aujourd’hui. Forcément, ça change notre perception vis-à-vis ce milieu », croit-il.

De nouveaux repères à bâtir

Depuis plusieurs mois, les stationnements des hôpitaux sont pratiquement vides. Y a-t-il moins de « malades » qu’il y en avait avant la pandémie ou la population craint-elle davantage de se présenter à l’hôpital. La peur y serait-elle pour quelque chose?

« Si on a peur d’aller à l’hôpital, de s’y faire soigner ou pire, d’y travailler, c’est impensable », figure M. Gagnon qui connaît le milieu hospitalier pour y avoir mis les pieds très souvent.

Selon ce dernier, la peur est à l’origine de bien des maux. Avant on priait Dieu de nous guérir, aujourd’hui le nouveau Dieu est la technologie. On croit qu’elle apportera des corrections à tous nos travers, à nos comportements destructeurs. Au lieu de modérer notre empreinte carbone, on cherche des technologies pour le séquestrer. Au lieu de prendre notre santé en main, on attend la pilule ou le traitement miracle.

«  La semaine dernière, on commémorait la tragédie de Saint-Jean-Vianney. On a rappelé alors qu’elle avait durablement changé nos politiques de développement urbain, nos précautions. Le déluge a eu le même effet. Et maintenant la COVID», énonce Jacques Gagnon.

Quels enseignements retiendrons-nous de cette pandémie mondiale? Il est encore trop tôt pour le savoir. Pourtant, il faudra vite déterminer jusqu’où nous laisserons la peur nous guider.

Des anges malmenés

On a abondamment qualifié d’anges les travailleurs de la santé depuis le début de la pandémie. Applaudissant leur courage et leur résilience, on leur témoignait de toute part notre admiration. Mais nos anges, en avons-nous suffisamment pris soin?

Ils étaient partis dans une carrière au service des malades, partis soigner, aider leur prochain sans se douter qu’ils risqueraient un jour leur vie au travail et pourtant.

« On a tous un ange gardien disait-on à l’église. Rien n’est plus vrai ! Quand on est souffrant, aux abois et sans défense, on a besoin de réconfort, de la douceur d’un ange. Mais les anges auxquels on fait référence, on ne les veut pas au ciel, on les veut à notre chevet. Pour ça, il faut en prendre soin. Désormais, nos anges seront conscients des risques de leur métier», croit Jacques Gagnon.

La peur, celle-là même qui tenaille aujourd’hui les policiers qui craignent de se faire filmer dans l’exercice de leurs fonctions, celle qui empêchent les travailleurs sociaux de dormir se demandant s’ils ont correctement évalué la sévérité d’un dossier, celle qui freine les envies et refoule les passions, espérons qu’elle ne privera pas le Québec de précieux anges.