Nous l’oublions toujours quand la maladie nous envahit. Elle est même devenue dangereuse, presque l’arme du crime pendant la pandémie, la main qu’il faut ganter et désinfecter. Elle doit retrouver sa place dans les soins.
Pourtant la main, instrument de tous les moments, sert à tout. Sans elle, difficile de manger, de saisir, de s’appuyer, de sentir le froid, le chaud, le doux, le rude. Au bout du bras, elle exécute, elle exprime, elle protège. Belliqueuse elle frappe, voleuse elle fait main basse, baladeuse elle s’égare.
Instrument de tous les enchantements, elle peint, elle écrit, elle fait la musique. Sans les mains, la culture, l’art, la poésie n’existeraient pas. Les mains nourrissent la beauté, elles façonnent les œuvres, elles dansent. Elles font des signes, pour saluer, pour dire au revoir, en fait elles peuvent exprimer une infinité de subtilités.
Les mains travaillent et elles souffrent, deviennent gercées, sèches, durcies, rugueuses. Elles se mettent à la pâte pour pétrir le pain. Elles se battent pour applaudir, pour se défendre, pour s’agripper. Le
cœur sur la main, elles tendent, elles donnent le coup de main. Les mains réunissent, elles sont la jonction des êtres, ce qui peut les unir.
Les mains bienveillantes de votre mère, de votre père, vos amies, vos amours rassurent et consolent. Elles soignent aussi car sans mains, pas de chirurgie, sans mains pas de soins, elles sont l’instrument essentiel avec la voix, elles vous parlent. Les mains apaisent et soignent sans même qu’on les prient.
C’est une histoire vécue, celle de ce patient qui attend son verdict après un accident, l’heure est grave, il fait face à la mort. Une infirmière l’accompagne, discrète, elle connait son rôle et sait ce qui s’en vient, le désarroi. Elle est simplement présente, sans un mot de trop et lui prend la main presque à son insu avec une telle douceur que déjà il est ému. Soudain il perçoit la caresse d’un doigt, un effleurement sur sa main, un signe de compassion, à la fois si doux et si fort, tel un signe qu’il doit se battre. Cette connexion avec l’humanité était le signal de départ de sa guérison, une injection de courage.
Si la technologie peut faire de grandes choses, je pense qu’elle doit redonner aux mains leur pouvoir. Nous avons tous hâte de ne plus voir les infirmières et médecins habillés comme des astronautes. Les mains sont le prolongement de l’âme et du cœur et ce patient a survécu grâce à elles.