Personne n’attend la mort. Au contraire, on tente de la repousser de plus en plus et on y réussit, souvent. On dit que la naissance est le premier jour du reste de sa vie. On prend la route de la vie sans l’avoir demandé et on ne sait pas quand elle prendra fin. Nous ne sommes pas des condamnés dans le couloir de la mort, nous sommes engagés dans celui de la vie, la vie qui bat, la vie qui prend sa place jusqu’à une fin la plus lointaine, à moins d’accidents.

Quand elle touche à sa fin, après des décennies heureuses sans mal, sans douleur, le corps usé par les combats devient fragile et sera emporté sans prévenir. Quand on entre à l’hôpital, souvent c’est pour y rester. On nous prodigue des soins curatifs, aigus, en urgence. Dans le couloir de la vie, l’hôpital joue son rôle extrême de tenter de réparer votre corps. On n’y séjourne habituellement pas longtemps et on a toujours hâte d’en sortir.

Dans ce couloir de la vie, on remet notre santé dans les mains d’un système qui peut vous sauver d’un accident ou retarder la fin. Mais peut-on également se soigner soi-même ou tendre la main à un proche? Étirer le temps, ce temps heureux dans le couloir de la vie.

Des histoires comme celle d’Alfred font réfléchir. Alfred, un homme que la vie a éprouvé, un homme endurci par le labeur. Déjà pourvoyeur de sa famille à 14 ans, il a buché dans le bois, traité comme un esclave, il avait la hargne de la survie. À 85 ans il sent la mort, la mort qui le guette la nuit surtout quand il fait des hausses de pression sanguine, lui qui n’avait peur de rien. Dans sa détresse, une bonne âme veille sur lui, sa compagne de vie, qui elle aussi vit la peur de le perdre, de se perdre. Alors pour une autre fois, elle défie la nuit et appelle au secours car la mort rôde dans la maison. Le sauveteur, François, un proche de la famille qui répond jour et nuit. Une fausse alerte, peut-être encore, mais il répond présent, ne juge pas et respecte l’angoisse, la vulnérabilité. Sans broncher il prend Alfred sous son aile et le conduit à l’urgence de l’hôpital. Déjà Alfred se sent mieux, il reprend confiance, on lui confirme qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter et il repart heureux après quelques heures toujours baignant dans l’aura protectrice de François. Une autre nuit blanche pour lui, mais ce qui compte, c’est le geste de respect, l’attention portée à Alfred. Ce dernier a vécu jusqu’à 95 ans, confiant en son sauveur, se sentant aimé et protégé. N’eut été des soins de François, Alfred aurait-il vécu si longtemps, si heureux ?

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